Peu après l’élimination des belges à l’Euro 2020, le Président de la N-VA, Bart De Wever, sort du silence en plaidant pour un « accord de divorce ordonné » en vue de 2024, il appelle par ailleurs les socialistes francophones à négocier ce « grand accord » avec eux. Le timing ne surprend pas, mais souligne d’autant plus la déconnexion et le cynisme des nationalistes flamands vis-à-vis des belges en ce qui concerne notre Royaume de Belgique.
L’euphorie belge et le sport fédérateur comme jamais
Encore une fois, malgré la déception de l’élimination en quarts de finale, on peut dire que nos Diables Rouges auront fait vibrer tout un pays. C’est la force et la beauté du sport, que de pouvoir fédérer les gens, et en Belgique les différentes communautés, à travers des émotions fortes partagées et vécues par tout un peuple. On le sait, le foot et le sport en général, procurent des émotions vives chez les gens. Pour les Diables Rouges par exemple, cela s’explique notamment par le fait que notre équipe nationale représente bien les différentes communautés de notre pays (qu’on soit flamand, bruxellois, wallon, francophone ou d’origine étrangère). En effet, tout le monde peut se reconnaitre au sein de l’équipe des Diables Rouges, qui (comme dans les autres sports) forment un ensemble cohérent et solide de la diversité belgo-belge. Plus que jamais, en suivant le parcours des Diables Rouges, nous avons pu ressentir une invincible unité, qui devrait en inspirer plus d’un (en politique) !
Cette introduction est importante, non pas par sentiments d’émotions, mais par le modèle que sont nos équipes nationales dans toutes disciplines confondues. Tout en pouvant maintenir un attachement aux identités régionales et communautaires, nous devons pouvoir former un ensemble cohérent et efficace, qui fait gagner tout le monde. La Belgique est la somme de cette diversité linguistique et culturelle, comme l’Europe l’est à échelon supra national.
Malheureusement, pour certains un sentiment presque de haine prend le dessus. Tout ce qui est belge est mauvais par définition, même dans le cadre du sport là où toute la diversité belge est réunie pour réaliser des exploits qui seraient juste improbables si nous avions 3 ou 4 équipes différentes. Car il ne faut pas se voiler la face, au sein des rangs de la N-VA, on espérait une élimination des belges le plus rapidement possible. Il ne faudrait tout de même pas que la Belgique, la brabançonne ou le drapeau tricolore ne soient trop mis en avant.
Le silence assourdissant des mandataires N-VA, et en particulier du Ministre des Sport flamand, en sont un bon exemple. Pas un message de félicitations ou de soutien pour la 3e place des Belgian Cats à l’Euro 2021. Pas un message non plus pour les Diables Rouges lors de l’Euro 2020. Et pourtant, un grand nombre d’athlètes flamands ont performé à du très haut niveau lors de ces compétitions. Féliciter ces équipes, c’est pourtant féliciter tous les athlètes, et donc aussi les flamands, qui ont participé au succès des équipes. Il n’est pas impossible d’être flamand, et belge !
Cette attitude est totalement incompréhensible et indigne de représentants politiques.
Mais la Belgique, c’est bien plus que du sport !
On le sait, notre pays regorge de talents à tous les niveaux qui font rayonner notre pays et ainsi les différentes communautés qui en font parties. Pensons par exemple au grand nombre d’artistes reconnus, rien que dans le domaine de la musique, partout dans le monde. Pensons aussi à tous nos festivals, de renommée internationale. Ou encore notre patrimoine culturel, avec notamment la bière et le plus grand groupe brassicole au monde de par le volume de bière brassée. Je cite ici que quelques exemples bien sûr, mais qui unissent tous les belges, de quelle communauté qu’ils soient.
Et il n’y a pas qu’en sport ou en culture où notre plat pays figure parmi les bons élèves. En effet, récemment nous pouvions encore lire que la Belgique fait partie, selon la dernière mouture du “tableau de bord européen de l’innovation” des “champions de l’innovation” parmi les pays de l’UE. Son score “bien supérieur à la moyenne de l’UE” la place aux côtés de la Suède, de la Finlande et du Danemark dans ce groupe de performance, d’après la Commission européenne.
Enfin, au niveau de la vaccination aussi, la Belgique est au top, après il est vrai, un début de campagne plus compliquée.
Tant d’exemples qui démontrent qu’on peut réussir à faire de belles choses ensemble, tout en gardant nos spécificités.
Le cynisme des nationalistes flamands
Malgré un pays – tant en Flandre, à Bruxelles qu’en Wallonie – aux couleurs de la Belgique lors de cet Euro de foot 2020, malgré tous ces exemples de réussites belgo-belges, ce sont les nationalistes flamands qui veulent dicter leur loi en ce qui concerne le futur de notre pays. En effet, quelques jours après l’élimination des Diables Rouges, Bart De Wever annonce en grandes pompes vouloir négocier avec le Parti Socialiste « un divorce ordonné ». Plus cynique que cela, on meurt.
Les déclarations de De Wever sont d’ailleurs tout à fait incroyables. Pourquoi devrait-on croire qu’ils arriveraient à mener une réforme de l’état en 2024, alors que cela fait 10 ans que le parti nationaliste est au pouvoir et ils n’ont à ce stade réalisé aucune réforme de l’état. Par ailleurs, ils semblent visiblement uniquement vouloir en débattre avec le Parti Socialiste. Outre la dimension démocratique (pourquoi est-ce que deux partis, qui ensemble n’ont que 45 sièges alors qu’il en faut 100, s’approprieraient-ils l’avis et la vie de l’ensemble de nos citoyens ?), le deal envisagé par Bart De Wever pose question. En échange de combien d’argent faudrait-il démanteler la Belgique à la sauce N-VA ? Et l’électeur flamand, majoritairement de centre-droit, serait-il satisfait avec une politique de gauche, telle qu’elle était proposée lors de la première tentative de tandem PS-N-VA de 2020 ?
Je reviens brièvement sur cette vague belge que nous avons vécu lors de l’Euro 2020, non pas pour souligner encore une fois l’attachement d’un grand nombre à notre pays ou l’effet fédérateur du sport, mais bien parce que cet attachement se traduit aussi dans une certaine vision de notre structure institutionnelle. En effet, comme nous pouvions le lire dans l’enquête flamande De Stemming 2021, le thème de la réforme de l’État est actuellement perçu par les personnes interrogées comme le troisième problème le plus important. Il en ressort que pas moins de 63 % de ceux qui indiquent le thème « réforme de l’État » comme une priorité pensent qu’il faudrait plus de Belgique, dont 33 % souhaitent même que la Belgique soit le seul niveau de pouvoir ! Et seul 12 % veulent garder le niveau flamand comme seul niveau de décision.
Qu’ils n’en déplaisent aux nationalistes flamands, le belge se sent bien belge et une majorité de la population ne souhaite pas la scission du pays. Et on peut le comprendre, notre pays est à la pointe dans de nombreux domaines, justement parce qu’on arrive à combiner toutes les forces vives présentes au sein du Royaume. Mais ne soyons pas dupes, la N-VA est bien consciente de cela. C’est d’ailleurs pour cela qu’ils maintiennent un certain flou autour de leur objectif final (la fin de la Belgique), car ils savent pertinemment bien que plaider la scission du pays est tout sauf populaire.
Plus que jamais, dans ce débat sur le futur de notre pays, nous nous devons d’écouter les citoyens afin de guider les choix politiques. Le temps où les réformes de l’état se négociaient par une poignée de partis politiques, à l’abri de tout regard et dans un contexte de marchandage de tapis, est révolu ! Plus que jamais, pour regagner la confiance de nos concitoyens, nous devons les écouter !
Sébastien Dewailly pour le Monde Libéral