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Depuis quelques jours, l’annulation de l’édition 2021 du Pukkelpop suscite le débat en Flandre, notamment par rapport aux subventions octroyées à l’organisation qui a finalement décidé de jeter l’éponge. C’est l’occasion de revenir sur d’autres dérives qui nous poussent à réfléchir à des alternatives au système de subventions qui existe actuellement dans les différentes régions de notre pays.

Dans ce cadre, il importe de revenir sur la problématique de Let’s Go Urban qui est un bon exemple de là où notre système de subventionnement semble atteindre ces limites. Malheureusement, ce n’est pas la première fois qu’un projet social bien intentionné se transforme progressivement en une machine à subventions où l’argent est détourné à son propre profit. C’est choquant. Elle sape les efforts de nombreux bénévoles bien intentionnés et les victimes sont précisément celles qui ont le plus besoin d’aide. Il est grand temps de revoir l’ensemble du système de subventions et financements publics et, au lieu de se contenter de regarder l’effort fourni par une organisation, de s’intéresser à ses résultats. Combien de jeunes ont été réellement aidés ? Actuellement, ces organisations ne sont pas suffisamment tenues à l’obtention de résultats.

En outre, beaucoup d’autorités publiques procèdent à un saupoudrage des financements, , ce qui rend la dépense bien évidemment beaucoup moins efficace.

À l’heure actuelle, le gouvernement ne peut plus faire face seul à tous les problèmes sociaux. Nous demandons au gouvernement, ainsi qu’aux entrepreneurs sociaux et aux investisseurs, de s’unir pour relever les défis sociaux les plus importants, mais sans s’enrichir et sans se gaver de subventions inutiles. Car chaque euro public dépensé, doit l’être le plus efficacement possible. La gestion efficace, responsable et transparente des subventionnements permettra de mener des politiques plus structurelles orientées résultats.

Au lieu de subventionner aveuglément, le gouvernement devrait travailler sur la base de : “no cure, no pay”.

Il est temps de déployer et stimuler réellement l’instrument qui a fait ses preuves à l’étranger et qui y répond parfaitement, les “Social Impact Bonds”. Le principe “no cure no pay” est dans ce cadre un principe important. Le gouvernement ne devrait payer que si le projet atteint des objectifs clairement définis. De cette manière, nous stimulons également l’esprit entrepreneurial social et les projets de coopération émanant des citoyens eux-mêmes.

Car tout le monde se souviendra, il y a quelques années, du scandale du Samusocial à Bruxelles. Une organisation qui travaille pour aider les sans-abri à Bruxelles a versé des jetons de présence extrêmement élevés à divers politiciens et divers cadeaux ont également été distribués à des amis. Les membres de la famille de ces politiciens se sont également retrouvés à la direction de l’entreprise. Dans le même temps, la plupart des subventions destinées à soutenir les sans-abri et à les aider à trouver leur propre logement sont allées au Samusocial, au détriment de nombreuses autres organisations qui luttent également contre le sans-abrisme.

L’organisation “Let’s Go Urban” a également été une grande consommatrice de subventions et, les ressources publiques étant limitées, cela s’est fait au détriment d’autres projets.

Et dans le même temps, les gouvernements ne parviennent pas à adopter une approche préventive des problèmes sociaux. Citons par exemple le taux de chômage élevé des jeunes dans certains quartiers et villes, auquel le gouvernement n’a pas su apporter de réponse adaptée depuis des années voire des décennies dans certaines régions, malgré l’octroi de financements et subventions diverses. Mais il pourrait tout aussi bien s’agir du taux élevé d’obésité chez les jeunes ou de la réduction du diabète.

Par ailleurs, encore trop souvent les autorités publiques saupoudrent de manière importante les financements et subventions à diverses organisations et asbl, qui se marchent parfois sur les platebandes ce qui rend bien évidemment moins efficace la gestion d’une certaine problématique.

A titre d’exemple, selon le cadastre wallon des subventions, près de 1.400 subventions ont été octroyées par le Gouvernement wallon pour couvrir des frais d’opérateurs en tout genre sur l’année 2020. Nous ne comptabilisons donc pas les nombreuses subventions de la Communauté française par exemple, et de tous les autres niveaux de pouvoir (Provinces, communes, intercommunales, etc.) présents en Belgique.

Or, on le sait, les entrepreneurs sociaux et les citoyens engagés sont prêts à se retrousser les manches, mais il leur manque souvent le capital et une politique structurelle nécessaire. L’entrepreneuriat social peut être une réponse durable à une variété de défis sociétaux. Les entrepreneurs sociaux qui réussissent s’attaquent souvent aux problèmes sociaux de manière plus efficace et moins coûteuse que les pouvoirs publics

Il existe une solution utilisée avec succès dans nos pays voisins, notamment aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, qui respecte l’esprit d’entreprendre social sans pour autant accorder des subventions aveugles dans l’espoir que cela tourne bien. Cette solution est le « Social Impact Bond ».

Grâce au recours à un impact social, des partenaires privées investissent dans la résolution d’un problème social qui coûte beaucoup d’argent au gouvernement. Le gouvernement ne rembourse ces investisseurs que si les objectifs sont atteints, en utilisant une partie de l’argent que ce même gouvernement économise en résolvant ces grands problèmes sociaux.

Ce système est déjà utilisé avec succès au Royaume-Uni pour des projets relatifs au chômage et à la criminalité des jeunes. Aux Pays-Bas, des projets ont été menés à bien sur la prévention du diabète à Rotterdam. De plus en plus de pays dans le monde prennent le train en marche.

Comment cette solution fonctionne-t-elle ?

Les investisseurs privés investissent leurs ressources dans des programmes axés sur les résultats et ne sont payés que sur la base des résultats obtenus. En d’autres termes, ils reçoivent du gouvernement une part des coûts économisés.

Le résultat est, d’une part, du travail pour les jeunes chômeurs ou la réinsertion réussie d’un criminel dans la société et, d’autre part, une économie pour le gouvernement car il ne doit payer qu’une partie des prestations si le programme est réussi et, éventuellement, le secteur privé gagne de l’argent si le projet est réussi.

Pour ceux qui prétendent que tout cela est futuriste, nous nous référons aux Pays-Bas.

ABN AMRO et la Start Foundation ont ainsi investi 680 000 euros dans le Buzinezzclub, basé à Rotterdam. Chaque année, cette entreprise aide 80 jeunes chômeurs de Rotterdam sans qualification initiale à trouver un emploi ou à reprendre leurs études, ce qui permet à ces jeunes de ne pas dépendre de la sécurité sociale, en tout cas moins longtemps que la moyenne. La commune de Rotterdam rembourse les investisseurs en fonction du nombre d’allocations économisées.

Les études démontrent que les jeunes qui suivent le trajet Buzinezzclub bénéficient en moyenne de 211 jours d’allocations en moins.

Pour les inciter à rester sur le marché du travail, le Buzinezzclub reçoit une compensation du Social Impact Bond pour chaque pourcentage de réduction du nombre d’allocations perçues par ces jeunes. La commune de Rotterdam peut conserver les économies restantes après le remboursement des investisseurs et du Buzinezzclub, et ainsi les investir dans d’autres projets de lutte contre le chômage.

La Grande-Bretagne et les États-Unis ont déjà une grande expérience de ce type d’investissement. On peut par exemple se référer à l’Essex où un projet très réussi sur la criminalité des jeunes est en cours.

Grâce aux obligations à impact social, il reste possible, à une époque où les budgets publics sont sous pression, de réaliser des investissements supplémentaires pour résoudre les problèmes sociaux. Ce n’est pas seulement bon pour la ville ou la région, mais aussi pour les citoyens qui sont aidés.

Comme il y a des investisseurs privés à bord et que ces derniers ne seront rémunérés qu’en cas de succès du projet, les abus comme ceux du Samusocial ou de Let’s Go Urban ne sont plus possibles. La surveillance et la transparence sont beaucoup plus importantes de la part des investisseurs privés qui ont tout intérêt à ce que le projet réussisse et atteigne ses objectifs.

Le gouvernement est également mieux loti puisqu’il ne doit payer que si le projet est couronné de succès et que les frais sont fixés à l’avance. Le principe “no cure no pay” permet de prévenir les risques d’enrichissement personnel au détriment de ceux qui ont le plus besoin d’aide, comme les jeunes défavorisés ou les sans-abri. La société en profite également, car les problèmes qui traînaient depuis longtemps sont enfin traités de manière efficace et innovante.

Sébastien Dewailly et Carlo Van Grootel pour De Liberale Wereld